Françoise Couic-Marinier, Docteur en pharmacie et Marion Lemain, Kinésithérapeute nous partagent leurs conseils sur les mécanismes de l’olfaction.
Avez vous déjà senti, une odeur qui vous ramenait immédiatement des années en arrière au cœur d’un souvenir d’enfance ? Vous rappelez-vous de ces sensations et du ressenti immédiat de l’émotion qui vous lie à ce souvenir olfactif ?
La façon dont est perçue une odeur va dépendre du moment de son encodage, du contexte psychologique et émotionnel, ainsi que du vécu de chacun. Il existe un système d’alerte secondaire, dit trijéminal, permettant indépendamment du système principal, de déceler la fraicheur, le piquant ou l’irritant d’une odeur. En cas de défaillance du système olfactif, celui-ci préserve l’intégrité de l’individu.
Les mécanismes de l’olfaction
L’olfaction, 2ème sens formé après le toucher, est défini à 3 mois de grossesse dans le ventre de la mère. De ce fait, l’enfant intègre dans « sa bibliothèque olfactive » tout ce qu’elle mange et les odeurs qu’elle respire en les considérant comme étant les siens.
Ce sont Richard Axel et Linda Buck, deux chercheurs américains qui ont relevé la question du mécanisme d’olfaction (obtention d’un prix Nobel de médecine). Celui-ci se traduit par le fonctionnement des cellules du nez qui transmettent l’information des odeurs au cerveau. En 1991, leurs travaux ont démontré, l’existence de l’identité moléculaire des récepteurs olfactifs, une très vaste famille de milliers de gènes permettant de distinguer de nombreuses odeurs différentes. Chaque récepteur à une odeur et est activé spécifiquement par des caractéristiques moléculaires.
La durée de vie des cellules olfactives est d’environs 45 jours. Comme le liquide amiotique, elles se situent au sommet des fosses nasales et sont fonctionnelles en milieu liquide. Une fois les molécules odorantes perçues par les récepteurs, les informations sont transmises dans le bulbe olfactif puis vers le cortex olfactif primaire. Le mécanisme de l’olfaction est un trajet presque direct vers notre inconscient !
Quelques travaux bluffants :
En France, de grands neuroscientifiques comme Luc Marlier qui travaillent au CNRS de Strasbourg, nous ont démontré à travers leur thèse sur les mécanismes de l’olfaction et les liens invisibles qui nous relient les uns aux autres, des résultats juste bluffants !
Faire respirer du beurre rance à un nourrisson de 2h le fait immédiatement réagir négativement. A l’inverse, faire sentir au même nourrisson de l’extrait de vanille ou une odeur de fraise lui fait ouvrir les yeux, écarter les ailes du nez, sortir la langue et lancer sa main vers le goupillon porteur de l’odeur pour essayer de le ramener vers sa bouche. De plus, il semblerait que les préférences maternelles influent sur celle de l’enfant.
Ces travaux remarquables amènent à de grandes avancées dans les traitements des enfants nés prématurément ou grands prématurés : nés avant 7 mois de grossesse. Diffuser de l’extrait de vanille de manière totalement invisible, dans la couveuse, gomme les apnées du sommeil. Ici, la vanille permet, en plus du traitement, de stimuler leur plaisir olfactif et gustatif. Les nourrissons bercés par cette invisible fragrance, régulent leur rythme cardiaque, sans caféine ils dorment mieux, mangent mieux et sortent en moyenne 3 semaines plus tôt que les autres grands prématurés traités par de la caféine.
Les Huiles Essentielles et leur impact physique et émotionnel en inhalation
Lorsque notre corps est sujet à un dérèglement causé par le stress, la vieillesse ou encore une pathologie quelconque, l’inhalation est un procédé très efficace qui agit directement sur les voies respiratoires. Les actifs puissants des Huiles Essentielles, dégagent des odeurs qui envoient instantanément des signaux au cerveau et plus particulièrement, vers l’inconscient où siègent les émotions.
En cas de stress(1)
Certaines Huiles Essentielles ont des propriétés permettant de diminuer la fréquence cardiaque et la pression artérielle chez l’adulte. De ce fait, elles sont utilisées par des médecins et infirmiers anesthésistes afin de prévenir et calmer le stress des malades allant être endormis. Ainsi, cela permet de réduire considérablement les doses d’anesthésiques injectés ou autres tranquillisants.
- 10 min d’inhalation d’Huile Essentielle de Marjolaine à coquilles.
Pour les personnes âgée(2)
L’inhalation d’Huiles Essentielles et autres odeurs du quotidien viendront raviver les souvenirs et stimuler la mémoire d’une personne atteinte d’Alzheimer. Grace à elles, nous entrons directement en contact avec ces souvenirs, engageant la communication et les échanges. Ritualisant les moments de vie en institution.
Troubles du comportement alimentaire et dépression(3)
Fréquemment utilisées comme béquille aux traitements conventionnels, ces odeurs vont stimuler et réguler l’appétit de jeunes anorexiques ou boulimiques hospitalisés avant leur repas, redonner du plaisir olfactif à des dépressifs ne faisant plus la différence entre une odeur de rose et celle du vomi. Voilà autant de protocoles géniaux qui sont mis en place puis utilisés quotidiennement dans nos hôpitaux.
Pour le sportif
Chez le sportif, en plus de la gestion de stress vient s’ajouter la quête de la performance. Le mental joue alors un rôle capital dans l’exécution du geste parfait ou de l’endurance. Rien de tel pour le soutenir que l’Huile Essentielle de Laurier Noble ! Boostant la confiance en soi et permettant d’aller puiser les ressources nécessaires.
De plus, l’Huile Essentielle de Romarin à cinéole est efficace pour augmenter la concentration et les capacités de mémorisation. D’autre part, la Menthe poivrée peut être également être utilisée comme stimulant et revigorant.
Quid de la covid ?
Le virus de la COVID-19 a mis en lumière, un sens depuis trop longtemps sous-estimé, l’odorat. En effet, lors de cette infection virale, le système olfactif est perturbé ce qui génère des anosmies (perte de l’odorat), des hyposmies (diminution des perceptions) et des phantosmies (odeurs fantômes constantes). Les modifications de l’odorat sont plus ou moins longues, allant de 15 jours à plusieurs mois. L’œdème de l’épithélium olfactif empêche les molécules odorantes de parvenir aux cellules sensorielles. Néanmoins, le système n’est en général pas totalement détruit.
Ceci soulève :
- des problèmes d’ordre alimentaires, puisque seuls les papilles gustatives transmettent alors les informations : acide, sucré, salé, amer et umami (mono glutamate de sodium)
- des handicaps sociaux : perte des alertes, odeurs de dangers : fumé, angoisses des odeurs corporelles…
- des problèmes psycho-émotionnels : dépressions, coupure avec l’environnement et perte des repères
Rééducation olfactive protocole
Elaboré par l’association Anosmie.org, Hirac GURDEN et Jean Michel MAILLARD, vous pouvez le télécharger directement sur le site de l’association.
On vous fait un résumé ?
La rééducation se fait sur 12 semaines, en séances biquotidiennes de stimulation olfactive de 5 min. Il est conseillé d’utiliser 4 à 6 odeurs majoritairement provenant d’Huiles Essentielles. Un test de sensibilité olfactive en service ORL et une consultation, avant et après la rééducation, peut être envisagés pour objectiver les résultats.
Quelles Huiles Essentielles à utiliser ?
Ces auteurs du protocole ont choisi ses Huiles Essentielles pour leurs différences et leurs caractéristiques qui leur sont propres :
- L’ Huile Essentielle de Citron (Citrus limon)
- L’Huile Essentielle de Clou de girofle (Eugenia caryophyllus)
- L’Huile Essentielle de Rose (Rosa ou de géranium)
- L’Huile Essentielle d’Eucalyptus globulus
- L’Huile Essentielle de Menthe poivrée (Mentha piperata)
- L’odeur des grains de café
Matériel à utiliser :
- Un carnet de suivi à remplir à chaque olfaction
- 6 flacons identiques de 100 ml en verre opaque contenant les Huiles Essentielles diluées à 2% dans 50 ml d’eau. Environs 20 gouttes pour 50 ml d’eau. Les Huiles Essentielles ne sont cependant pas solubles dans l’eau et l’odeur des Huiles Végétales peut perturber l’efficacité du soin. Il faudra donc agiter les flacons avant toute utilisation. Stockez vos flacons à l’abri de la lumière et de la chaleur pour une durée de 15 jours.
- Des étiquettes pour identifier les flacons. A coller sous les flacons afin que ces derniers ne soient pas identifiables pendant l’olfaction.
Comment procéder ?
- Installation :
- Installez-vous confortablement, au calme, à distance des repas et des brossages de dents et dans une pièce neutre sans perturbation olfactive : Ecartez-vous des odeurs de cuisine et bougies parfumées.
- Respirez :
- Placez le flacon à environs 2 centimètres sous le nez pendant 30 secondes en le balayant de gauche à droite pour permettre aux molécules odorantes de se diffuser par les narines.
- « Respirez en conscience, cherchez le calme et laissez venir la perception ».
- Pas de stress ! Il n’y a pas besoin d’identifier les odeurs, le but est juste de les détecter.
- Gardez-vous un temps de repos entre chaque flacon.
- Positionnez vos flacons :
- Sentez les flacons au hasard, les uns après les autres, puis placez-les en fonction de vos ressentis. A gauche les certitudes d’avoir perçu une odeur, en face les doutes et à droite, aucune sensation. Noter dans votre carnet de suivi.
- Vous pouvez par la suite sentir à nouveau les flacons dans lesquels vous avez perçu une sensation en y associant cette fois-ci, l’image et la source de sa provenance. Ceci permettra de vous aider à les fixer dans votre « bibliothèque olfactive ».
Alors maintenant, n’hésitez pas ! Sentez et ressentez !
(1) Jacques MARCHAND, L’utilisation de l’aromathérapie dans le traitement dans le traitement du stress et de l’insomnie. Thèse de Doctorat, faculté de Loraine (2019)
(2) Article Plantes & et Vie (avril 2019) – Françoise Couic-Marinier « Alzheimer, ne laissez pas vos neurones s’envoler »
(3) Van der Ploeg et al. BMC Geriatrics (2010) / http://www.biomedcentral.com/1471-2318/10/49
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